
Créer, c’est tracer un sillage sur l’eau, un fil de lumière sur le vide, une mémoire fragile contre l’oubli. Qu’importe l’outil, qu’il soit plume d’acier, stylet numérique ou encre sur le papier : chaque geste engage une quête, chaque trait révèle une absence. Ce n’est pas tant l’image qui compte que le souffle qui l’anime, cette tension entre l’ombre et la clarté, entre ce qui s’efface et ce qui insiste à demeurer.

J’avance ainsi, entre le visible et l’invisible, scrutant les lignes d’un visage, la courbe d’un corps, l’érosion d’un mur qui a tout vu et tout gardé. Mon regard cherche à capter ce qui tremble, ce qui échappe. La photographie en noir et blanc creuse des silences, la peinture digitale les éclaire autrement, avec des pigments de lumière et des strates de matière que la main module jusqu’à leur donner une présence. Chaque œuvre, même née du numérique, porte la trace du corps qui l’a façonnée : la pression du stylet sur l’écran, l’oscillation d’un trait hésitant, la décision d’un noir plus profond, d’un blanc plus tranchant.

Il n’y a pas de frontière entre mes pratiques. Écrire, peindre, photographier : autant de manières de saisir l’instant avant qu’il ne se dissolve. La poésie est parfois la seule forme qui reste quand l’image s’efface, quand les mots prennent le relais du regard et sculptent à leur tour une absence. À travers mes textes, je dis l’inexprimable, ce que ni le trait ni la lumière ne parviennent à contenir.
Créer, c’est aussi inscrire dans la matière du monde ce qui n’a pas encore de nom. Ce n’est pas seulement raconter l’absence, c’est lui offrir une chair, un écho, un lieu où exister. Je ne fais que cela : tendre la main vers ce qui s’éloigne, capturer ce qui palpite encore, et, d’un geste, d’un trait, d’un vers, tenter d’ancrer un instant d’éternité.

Illustrations « Océan » 1,2,3,4 de Roland Ezquerra© 2025