chanteuse et la fondatrice de The Slits

Ariane Daniela Forster

Sur la pochette de l’album Cut (1976), The Slits, premier et peut-être meilleur groupe féminin de punk, posaient seins nus et couvertes de boue, comme des sauvages. Des filles survoltées donnaient au mouvement punk une voix féminine avec des titres comme Typical Girls, Newtown, Love Und Romance. Trois albums, une tournée avec les Clash, et terminé.

« Pour écrire son autobiographie, il faut être un sacré connard, ou alors, c’est qu’on est fauché. Moi, c’est un peu des deux », écrit Viv Albertine dès la première ligne de «de fringues, de musique et de mecs».

Viv Albertine revient sur sa carrière de guitariste. Évocation candide et franche d’un mouvement musical et social qui allait changer l’histoire de la musique, «De fringues, de musique et de mecs» regorge d’anecdotes sur les Clash, les Sex Pistols, Vivienne Westwood, Johnny Thunders et tant d’autres. Mais ce serait minimiser ce livre féroce et attachant que de le limiter à un énième document rock, car le propos de Viv Albertine va bien plus loin.C’est un livre sincère, drôle, avide.

Tessa Pollitt a été la bassiste du groupe de rock punk The Slits de 1976 à 1981

Tessa Pollitt guitariste membre des Slits.

Ce livre ressemble sans doute à la façon dont Viv a vécu sa vie. Dans l’instant. La vie d’une bande de gamins faméliques qui essayaient de s’amuser dans le Londres gris et triste des années 70.

https://www.youtube.com/watch?v=ZyXGblps64M

Elle décrit les échanges tels qu’ils étaient : conflits dans le groupe, comment Sid Vicious lui payait des hamburgers, ou ses relations sexuelles ratées avec Johnny Rotten. Elle décrit le punk comme une des dernières sous culture reposant sur un ethos donc difficile à vivre. Remise en question permanente, tout était politique : Le fait de se tenir la main dans la rue, de chanter avec l’accent anglais ou américain, la vie de tous les jours, la façon de s’habiller. La manière dont s’habillaient The Slits, on n’avait jamais vu ça ! Elles mélangeaient des trucs SM avec des uniformes de scout, un tutu et des bottes de chantier. Elles ne portait jamais rien de cher, sauf quand elles allaient à la boutique de Vivienne Westwood, Sex. Mais jamais de marques : c’était pour les femmes au foyer de banlieue. Dans la rue, les gens détestaient ça, en particulier les hommes. Ari Up s’est faite poignarder plusieurs fois, elles se battaient, elles se faisaient cracher dessus. Elles vivaient la vie rebelle dont elles parlaient dans leurs chansons.

Aujourd’hui, tout le monde s’habille en rebelle. Mais ce n’est pas de la révolte, c’est de l’entertainment.

Punk

Paloma McLardy née Paloma Romero, dit Palmolive

Mais n’allez pas croire que c’est la nostalgie qui prédomine dans cet ouvrage ce n’est pas la tasse de thé de Viv.

«J’ai horreur de la nostalgie»

Elle revient aussi son parcours d’après, sa face B, ou comment repartir de rien, devenir réalisatrice, mère, séduire Vincent Gallo et surmonter un cancer. Quand le punk n’intéressa plus personne, Viv fit une une école de cinéma. Elle était la première femme réalisatrice partout où elle allait. Elle a travaillé dur sept ou huit ans puis son corps s’est effondré, sans doute à cause de la vie qu’elle avait menée. N’arrivant pas à avoir d’enfant, elle s’est bourrée d’hormones et quand finalement elle est tombée enceinte, elle eu un cancer. «J’étais cramée, après la naissance de ma fille, puis la chimio, il ne restait plus rien de moi, plus aucune énergie créative.»

En retraçant sans tabou ni biais son parcours de gamine de la classe moyenne anglaise des années 70 fascinée par la scène musicale et bien décidée à y faire entrer les filles, puis de jeune femme embarquée dans un mouvement aux excès et au nihilisme affichés, et enfin de femme confrontée au grand vide post-punk qui tente de survivre aux excès, à la maladie, et à l’ennui d’une vie rangée, Viv Albertine livre un texte brûlant d’honnêteté et d’engagement. Choquant parfois, brutalement émouvant par moments et toujours drôle, ce livre est une ode aux femmes, un texte féministe qui regarde en face ce qu’il en a coûté – et ce qu’il en coûte encore – d’être une femme, d’être irrévérencieuse, et d’être têtue au point de croire à son destin.

elles sont sûrement parmi les premières musiciennes rock à s'affirmer avec autant d'énergie et de personnalité

The Slits est un groupe de punk rock britannique

« J’ai la trouille, mais j’y vais quand même : c’est ce qu’il faudra écrire sur ma pierre tombale. »

http://www.buchetchastel.fr/de-fringues–de-musique-et-de-mecs-viv-albertine-9782283029237