Le selfie ambigu

Bonnard au XXIeme siècle

Bonnard au XXIeme siècle

Après les visites du musée d’Orsay et du musée de l’orangerie, j’ai voulu explorer de nouveau coloris, les associer à une scène intimiste comme certains tableaux de Bonnard, m’inspirer de son chromatisme, m’affranchir de la réalité et exprimer l’espace par la seule juxtaposition des tons. Je décidais donc de réaliser un nu mais je voulais donner une touche contemporaine à ma création en utilisant ce qui est sans doute la pratique photographique la plus représentative de l’expression visuelle contemporaine: Le selfie. L’idée me vint en pensant à un film.

Avant leur départ en excursion, Thelma et Louise, dans le film éponyme de Ridley Scott (1991), partagent une pratique que personne n’appelle encore selfie. Louise (Susan Sarandon), se saisit du Polaroid, le porte à bout de bras et se colle à sa camarade Thelma (Geena Davis), qui prend immédiatement la pose.. Cet intermède, parfaitement reconstitué par l’équipe du film, semble indiquer que le geste de l’autophotographie en situation est déjà commun. Son intervention au début du road movie peut être interprétée à la fois comme un symbole de l’union du couple et comme la marque de l’indépendance des deux femmes, qu’aucun homme ne prend en photo à leur place. Dans une œuvre qui fera date pour son féminisme, le polaroid inaugural fonctionne comme un signal joyeux de la reconquête de l’autonomie. Cette image se distingue d’emblée de l’autoportrait classique, traditionnellement voué à la figuration intemporelle d’une personne seule, et de sa dimension narcissique. Autant que par la présence des protagonistes de l’action, le genre est identifiable par l’autoproduction de l’image, mais aussi par sa dimension fortement située. Ce que Thelma et Louise immortalisent, c’est le portrait d’un moment et d’une expérience, l’instant du début du voyage qui les réunit, dans une photo qui porte leur signature visuelle. Un dernier plan montrera l’envol du polaroid, juste avant que la voiture des deux femmes ne plonge dans le ravin.

le premier selfie?

Geena Davis et Susan Sarandon

Ma création veut rompre avec le selfie «de situation» formalisant le désir de se situer en un lieu pour au contraire ne rien en montrer mais suggérer un instant , une émotion, un état d’esprit, des sensations à un moment donné. Créer un selfie ambigu dont on ne sait si s’en est vraiment un par la présence invisible vers laquelle se projette le bras gauche de la femme. Appareil photo, téléphone ou un personnage hors cadre?