Paris peut ce voir de différentes façons. La ville lumière a été une source d’inspiration pour de nombreux artistes qui ont diffusé son image dans le monde entier.

couleurs de Paris

couleurs de Paris

Les peintres tout d’abord.

On trouve de rares représentations de la ville dans certaines peintures et miniatures médiévales mais les peintures représentant Paris ne se multiplient qu’à la fin du XVIe siècle. C’est sous les règnes d’Henri IV et de Louis XIII que la ville est représentée par Jacques Callot et par les peintres hollandais de Verwer et Zeeman en particulier les bords de Seine qui les fascinent. Le Louvre devient un sujet de prédilection au XVIIesiècle mais il faut pourtant attendre la vogue de la peinture en plein air au XIXe siècle pour voir les artistes s’intéresser à la vie parisienne et au paysage urbain en mutation.

Corot installe lui aussi son chevalet sur les quais de Seine. Monet représente l’atmosphère vaporeuse de la gare St Lazare, le Quai du Louvre, l’Église Saint-Germain l’Auxerrois. La même année, la rue St Denis fête du 30 juin 1878 en 1978.

Renoir décrit la vie montmartroise (Moulin de la galette, le moulin rouge), peint la place de la Trinité, le Pont Neuf comme Pissaro qui s intéressera aux Bords de Seine et à l’avenue de l’Opéra ou Sisley à l’ile st Louis.

Ajoutons Seurat avec la tour Eiffel, Gauguin, Cézanne et Van Gogh les jardins de Montmartre, Toits de Paris, Boulevard de Clichy, Rue Lepic. Et encore Rue de Paris, temps de pluie par Gustave Caillebotte Un balcon Boulevard Haussmann .

Toulouse Lautrec peut-être le plus parisien dans l’âme mais il s’intéresse plus aux cabarets et aux bas-fonds parisiens, qu’il fréquente assidûment, qu’aux paysages.

Au XX Siècle, les plus parisiens des peintres sont certainement Matisse, Vlaminck, Derain, Marquet, et Utrillo qui représentent souvent les quartiers déshérités de la ville. Picasso , Van Dongen , Leger, Modigliani vivent à Montmartre ou Montparnasse.

Chagall peint le magnifique «Paris par la fenêtre».

Le chat noir de Montmartre

Le chat noir de Montmartre

Les photographes ne sont pas en reste.

Dès l’invention de la photographie, de nombreux artistes ont cherché à capter l’atmosphère de la ville et sa vie quotidienne prise sur le vif. Initiée par Eugene Atget, la photographie de scènes de rues et petits métiers aujourd’hui disparus est incarnée par Robert Doisneau , un des premiers grands photographes de Paris. Les scènes insolites constituaient ses sujets de prédilection: les enfants jouant dans les rues, les concierges, les bistrots, les marchés, etc. Ses photographies sont pleines d’humour et de tendresse, la plus célèbre étant Le Baiser de l’Hôtel de Ville. Les images de Willy Ronis évoquent le Belleville et le Ménilmontant d’autrefois, saisissante illustration d’une atmosphère populaire à jamais disparue.

Centre pompidou

Centre pompidou

Mais c’est la littérature qui présente Paris sous un jour insolite loin des clichés de la ville romantique dédié à la culture ou la mode.

«Ajoutez deux lettres à Paris: c’est le Paradis», écrivait Jules Renard dans son Journal. Si le quotidien dans la capitale française se résume plus à des trajets en métro qu’à un séjour au jardin d’Éden, la littérature est là pour nous prouver que les deux ne sont pas incompatibles. Le métro et la ville seraient si intimement liés que, selon les mots de Kafka dans son Journal, «Le métro fournit à l’étranger la meilleure occasion d’imaginer qu’il a compris, rapidement et correctement, l’essence de Paris.»

Paradis aérien ou enfer souterrain, quoi qu’il en soit, il semble impossible de départager l’un de l’autre: le métro est emblématique de la capitale. Les écrivains l’ont bien compris et ont puisé leur inspiration littéraire dans ce mode de transport à la fois fantasmé et détesté.

Les grands écrivains étrangers qui ont séjourné à Paris ne retiennent pas que le Louvre, les quais de Seine, la Tour Eiffel ou encore Montmartre de leur visite. Le trajet pour se déplacer d’un endroit à un autre est aussi été constitutif de leur voyage, et celui-ci compte autant que la destination .

L’œil étranger a toujours été apte à sublimer la «caisse en fer […] qui avale tous et tout», selon les mots de Céline dans Voyage au bout de la nuit. Râleur, le parisien? Quand il souffre du bruit, de la chaleur, des odeurs et de l’inconfort, d’autres louent cette même carcasse.

Julio Cortazar, écrivain argentin du XXe, expérimentait dans le métro une temporalité originale, après trente ans passés dans la capitale: «Le métro c’est comme si on était à l’intérieur d’une pendule. Les stations c’est les minutes, tu saisis, c’est votre temps à vous, celui de maintenant, mais je sais, moi, qu’il en existe un autre…», écrivait-il dans son recueil de nouvelles Les armes secrètes.

L’auteur français Jean-Jacques Schul savait également comment charmer le réalisateur américain Jim Jarmusch: il lui montrait la traversée par la ligne 6 du pont de Bir Hakeim. Celle-ci offre une vue impressionnante sur la Tour Eiffel. On peut lire dans son recueil de nouvelles Obsessions cette belle description du métro aérien: «À peine en surplomb, le métro, jusque-là sous le sol, devient aérien, underground aérien, et que les clandestins, les misfits, les gens de l’ombre, Ghost Dog, Dead Man, chien “fantôme”, mort-vivant, soient parfois plus près du ciel que ne l’est la terre, c’est ce que nous conte Jarmusch dans ses films […] Et c’est sans doute, sans bien le savoir, pour ça que je l’avais amené là ce soir faire une photo la nuit, sur un pont en vieille ferraille près du métro aérien : pour ce qu’évoquent ces deux mots, juste deux mots […]: Underground, Aérien.».

Quand les parisiens prennent le métro sans grand plaisir, pensant à la journée de travail qui les attend ou aux courses à faire avant de franchir le seuil de leur appartement, il se pourrait que leur voisin de strapontin, dans le même temps, trouve assez de matière à son voyage en métro pour écrire romans, poèmes, nouvelles ou essais!

Tous les auteurs et tous les styles s’y sont essayés… Le métro parisien aurait donc une foule d’histoires à raconter?

Chaque auteur est capable de créer pour chaque station son univers propre. Aragon, dans La Défense de l’infini, a donné à la station Barbès des années1920 une image terrible et en a fait l’emblème de l’aliénation au travail: «Dans un fracas qui fait surgir des petits bancs verts le long des murs un peuple affairé de gens pâles, le métro entre en gare comme quelqu’un qui dépasse son but. […] La machine emporte alors ces tombereaux hectiques de pensées étrangères, c’est ici que chacun cesse de s’appartenir, et les secousses du rail, les glissades des tournants, le refrain “Dubonnet…” “Dubonnet…». Des murailles, scandent la domestication universelle, la mécanisation des hommes, l’acceptation du monde tel qu’il est, tel qu’il est, tel qu’il est: Barbès…».

 

On se rapproche ici de la description de Céline dans Voyage au bout de la Nuit qui évoque les trajets des banlieusards entrant dans la ville au petit matin: les deux textes ont été écrits à la même époque. Le sculpteur et poète russe Ossip Zadkine s’accordait lui aussi dans les années1920 avec cette image sordide du métro:

«Amené dans les entrailles d’un ver souterrain

Comme si je n’étais rien

Dans l’appendice tremblant une folie hurlante regorge

Se meurtrit dans les spirales zigzagantes labyrintesques»

 

Pourtant, le métro n’est pas toujours aussi triste et Aragon lui-même savait en parler sous un meilleur jour:

«Bordel pour bordel

Moi j’aime mieux le métro

C’est plus gai

                                                                                      Et puis c’est plus chaud»

écrivait-il dans La Grande Gaîté.

Inhumain et pourtant si vivant, le métro parisien est capable de tout quand il est confié à la plume d’un écrivain. Jacques Prévert a su en faire un haut lieu du romantisme. Scénariste du film Les Portes de la nuit, le poète a transformé la ligne 2, près du canal de l’Ourcq, en théâtre de l’amour qui unit Diego et Malou. C’est près du métro qu’un chanteur des rues entonne l’air qui donnera au film son titre: «Les enfants qui s’aiment s’embrassent debout contre les portes de la nuit.»

Tantôt triste, tantôt gai, souvent poétique, le métro est aussi la scène idéale de romans d’aventures et policiers. Le point de départ du meurtre dans Sans Feu ni lieu, polar de Fred Vargas, est le poème de Nerval, El Desdichado, affiché dans le métro parisien. Même Fantomas y a fait un petit tour dans Fantomas vole des blondes, subtilisant une rame entre Anvers et Barbès!

Impossible de ne pas évoquer l’héroïne de Raymond Queneau, Zazie. La petite fille, débarquée de sa campagne berrichonne ressemble à tout touriste ou nouveau venu à Paris: elle est fascinée par le métro, elle en rêve. Ce n’est pas Zazie qui changerait de rame pour ne pas avoir à écouter un accordéoniste! L’intrigue de Zazie dans le métro repose, a priori, sur cette question: Zazie réussira-t-elle à prendre le métro? Si finalement, d’autres thèmes entrent en jeu dans le roman, celui-ci a acquis une telle célébrité qu’il a contribué à faire du métro parisien un fantasme littéraire.

Que l’on soit romancier, poète ou scénariste, le métro parisien aura toujours une histoire à raconter.

en écoutant Miles Davis

Pont de Bir-Hakeim