Princess Nokia est une La chanteuse d’origine portoricaine est l’une des étoiles montantes du hip-hop américain. Dans son troisième album, «1992 Deluxe», elle raconte le New York de son enfance, entre Brooklyn et Harlem.
Évacuons de suite l’origine de son nom d’artiste.
Princess Nokia passe son enfance à New York et dans les rames de la Green line, la ligne de métro qui va de East Harlem à Brooklyn, en passant par le quartier de son père, le Lower East Side. C’est là qu’elle s’enfuit à 15 ans, «avec 3 dollars en poche et son téléphone chargé à 75%». Un Nokia, forcément..
Son vrai nom? Destiny Frasqueri.
Destiny détonne dans son genre musical où les filles sont souvent cantonnées à montrer leur postérieur dénudé dans les clips. Elle veut s’imposer comme une rappeuse féministe et antiraciste, «radicale» selon ses mots. «Brown radicalist», précise-t-elle. D’origine portoricaine elle affiche l’héritage des Brown Berets, ces militants latinos qui défilaient au côté des Black Panthers dans les manifestations californiennes à la fin des années 1960.
Après les albums Wavy Spice et Destiny, elle a sorti début septembre «1992 Deluxe» distribué en France par le label indépendant anglais Rough Trade Records. Princess Nokia a toujours refusé de signer avec une major, malgré les offres juteuses pour ne pas avoir à céder aux divers diktats, notamment sexistes, de l’industrie du disque.
«Je me suis lancée dans la musique à 19 ans. D’emblée, je n’ai accordé ma confiance à personne, trouvant qu’il y avait une sorte de beauté et de valeur à tout faire soi-même. Mais cette exigence a un prix. J’ai sacrifié beaucoup de choses, je n’ai pas beaucoup pris soin de moi. Il y a tellement d’histoires dans l’industrie du disque de jeunes artistes qui ont été abusés par de gros producteurs. Je ne voulais pas en faire partie. » .
Destiny Frasqueri est née le 14 juin 1992 à Harlem. Ses parents portoricains sont de grands fans de hip-hop, et ont vécu ses débuts et ses errements (les rixes entre bandes, la prolifération du crack et du VIH).
Ses grands-pères, se sont installés à New York dans les années 1960. « Ils voulaient trouver une vie meilleure. Mais, à 83 ans, mon grand-père est toujours boucher. J’ai grandi à Harlem, sur la 5e Avenue. C’est une frontière qui sépare l’est de l’ouest de New York. J’ai été très influencée par les deux côtés, l’un très portoricain, et l’autre, le Harlem noir, sur la 110e Rue, qui a inspiré la chanson culte de Bobby Womack, Across 110th Street. »
Quand elle a 11 ans, sa mère décède du sida, puis sa grand-mère maternelle meurt elle aussi. La fillette est placée dans une famille d’accueil. Dans un récent documentaire produit par le magazine musical américain The Fader , Princess Nokia raconte comment elle y a été violentée, se voyant obligée de mettre du maquillage pour cacher les bleus lors des photos de classe, « terrifiée » par la femme qui l’hébergeait. L’expérience lui inspire sa définition de l’indépendance, aux accents de Nina Simone : « La liberté, c’est ne pas avoir peur. »
A l’école, elle trouve refuge dans les lectures des écrivains Langston Hughes ou Walter Dean Myers, issus du courant Harlem Renaissance, ce mouvement culturel des années 1920 qui célébra l’identité afro-américaine du quartier new-yorkais: «Ces écrivains étaient très directs et simples dans leur écriture. C’est ce que j’essaie de reproduire dans ma musique. Il y a de la substance, même dans les mots les plus simples.»
La sienne est nerveuse, sans métaphores compliquées.
Dans Chinese Slippers elle décris décrivent le New York «gentry», mais où certaines choses ne changent pas. Le 11 octobre, dans le métro, elle est témoin d’une scène de racisme ordinaire. Un homme blanc, une canette de bière à la main, insulte un groupe d’adolescents noirs. Princess Nokia lui demande de se taire, et deux hommes la soutiennent. Ces derniers décident de sortir le forcené de la rame, sans succès. Princess Nokia lui jette alors sa soupe de carottes brûlante au visage. La vidéo, prise par un passager, fait le tour des réseaux sociaux. Princess Nokia revendiquera son geste en postant sur Twitter une photo de femmes membres des Black Panthers et un autre cliché des Brown Berets.
Avant cet épisode, elle déclarait: «Je suis quelqu’un de très sensible à mon environnement, je ne laisse personne me taper sur les nerfs.».
Elle essaie aussi de faire bouger les lignes, avec des méthodes fortes. Lors d’un concert à Paris, elle demandait aux filles du public de venir au premier rang, enjoignant aussi «les personnes de couleur à ne pas rester dans le fond». Laissant le fond de la salle aux hommes blancs: «En tant qu’activiste radicale, déclare-t-elle, je veux créer des espaces qui sont inclusifs pour les gens qui me ressemblent.»
Princess Nokia s’inscrit dans une approche anglo-saxonne, et identitaire, des choses. «A chaque fois que je joue en Europe, j’insiste sur ce point: ma musique est pour tout le monde, mais mon âme est pour les gens qui viennent d’où je viens.»
D’où ce dispositif dans les concerts: «Je veux que les femmes soient devant parce que c’est plus sécurisant. Et elles peuvent mieux voir le concert. J’ai beaucoup d’hommes dans mon public. Je trouve ça magnifique qu’autant de jeunes Blancs apprécient mon album, et qu’ils ne me voient pas comme un objet sexuel. Ils m’aiment pour les bonnes raisons: ma musique. Je veux leur rendre hommage, mais ma priorité, ce sont les femmes.»