Saint-Pétersbourg

Saint-Pétersbourg , siège du pouvoir et centre intellectuel de l’Empire russe durant deux siècles, a attiré les plus grands écrivains russes et leur a été une source d’inspiration majeure. Deux écrivains, parmi les plus grands des écrivains russes, y moururent et y sont enterrés : Alexandre Pouchkine et Fiodor Dostoïevski.
Alexandre Pouchkine est une figure emblématique de la ville. Il l’a plusieurs fois évoqué dans son œuvre, en particulier dans l’un de ses poèmes considéré comme l’un des chefs-d’œuvre de la poésie russe intitulé Le Cavalier de bronze . Le poème constitue un hommage aux splendeurs de la nouvelle capitale de l’empire. Pouchkine y avait passé les premières années suivant sa majorité, avant son exil; une période heureuse de sa vie également évoquée dans Eugène Onéguine. Il était revenu s’installer à Saint-Pétersbourg peu après son mariage.
La popularité du poème de Pouchkine a valu à la statue de Pierre le Grand l’appellation populaire de « Cavalier de bronze ».,Son poème fait allusion à la statue équestre de Pierre le Grand qui se dresse sur la place des Décembristes et fut inaugurée en 1782 par Catherine II, qui voulait ainsi honorer son illustre prédécesseur. Elle est due au sculpteur français Étienne Maurice Falconet (1716-1791). Le tsar apparaît dans un large mouvement, le doigt dressé vers la Néva, regardant vers la forteresse Pierre et Paul, son cheval terrassant le serpent de la trahison.
La cité arrachée aux marécages par Pierre le Grand prend pour certains écrivains des airs mystérieux, fantomatiques, inquiétants.
Dans Crime et châtiment, Dostoïevski prête à Svidrigaïlov les propos suivants, qui retentissent encore dans toute la littérature pétersbourgeoise: «C’est une ville de demi-fous. […] Il n’y a guère de lieu où l’âme humaine soit soumise à des influences si sombres et si étranges.» N’y avait-il pas en effet, depuis la fondation de la ville par Pierre le Grand, quelque chose d’insaisissable qui, dans l’histoire et dans l’environnement naturel de Saint-Pétersbourg, tendait à rendre le Pétersbourgeois tout bonnement fou? Quelque chose comme une alchimie inédite aux propriétés maléfiques? Depuis les tout débuts de la littérature pétersbourgeoise, la situation géographique et les conditions naturelles de la capitale impériale avaient retenu l’attention des poètes et des romanciers, mais, le plus souvent, uniquement pour mieux en célébrer l’exception. A cette célébration succède une exploration des effets de cette étrangeté originelle sur les comportements et les psychologies. Quel était donc le pouvoir de ces journées sombres sans fin et de ces nuits interminables de pâleur? Des miasmes sur lesquels avait été édifié Saint-Pétersbourg et de cette eau stagnante qui pouvait à tout moment se réveiller? Ils inspiraient certainement un sentiment de précarité, une conscience aiguë du danger qui menace; mais aussi un rapport violent au temps qui passe, que la durée du jour provoque l’espérance de l’éternité ou, au contraire, la crainte de la mort. Les nuits, chez Dostoïevski, sont un véritable moment de magie, qui met un terme provisoire à l’enfer: «La nuit blanche était merveilleuse – une de ces nuits comme notre jeunesse seule en connut, cher lecteur -, un firmament si étoilé, si calme, qu’en le regardant on se demandait involontairement: peut-il vraiment exister des méchants sous un si beau ciel?»
Dans les romans de Dostoïevski qui ont pour cadre la capitale russe, la ville est partout présente dans ce qu’elle a de plus étrange . Elle apparaît pour peser sur le cours du récit, le modifier, en influençant les psychologies et les actes dans le sens du fantastique. La ville du romancier possède le pouvoir extraordinaire de jouer sur les conscience, sur la psychologie des héros, qu’ils soient solitaires, humiliés ou offensés. Le parallélisme entre la misère sociale et la misère morale, tout comme entre la maladie sociale et la maladie mentale, est une constante de l’écriture dostoïevskienne.
Ainsi, dans Crime et châtiment, la ville – surpeuplée, suffocante et tremblante – symbolise l’état spirituel de Raskolnikov. Dans le sous sol , aux bousculades de la rue répondent les vertiges dont souffre le héros. Tout, dans le Saint-Pétersbourg de Dostoïevski, incite donc au dérèglement des sens et des valeurs.Crime et châtiment ne pouvait donc se dérouler que dans cette capitale où vivait la Russie déportée, cette ville de déchéance et de perdition. Saint-Pétersbourg était le lieu du meurtre par excellence, car c’était aussi le lieu où, aux yeux du romancier, les frontières entre le bien et le mal avaient été abolies.
Le Saint Pétersbourg de Dostoïevski est également le lieu de l’errance, physique et morale. Lui même aimait errer sans but dans Pétersbourg, ouvert à tout ce que la ville pouvait lui offrir -‘il arrivait fréquemment que les passants prissent Dostoïevski pour un fou. C’est aussi le jugement réservé à ses personnages qui partagent avec lui ce goût de la promenade mélancolique et sans but. Ceux-ci sont naturellement portés à déambuler en aveugles, ou même à la manière de somnambules, comme attirés par les coins les plus sombres de la ville. Ils errent de tache jaune en tache jaune, couleur omniprésente et emblématique du mauvais goût pétersbourgeois pour le romancier – ainsi, dans Les nuits blanches, le héros prête ces propos à une maison rencontrée dans ses errances: «on me peint en jaune! les brigands! les barbares!…», mais aussi couleur diabolique, puisqu’elle est présente dans le logis de la vieille usurière, sous l’apparence du papier peint et du bois de son mobilier.
D’autres personnages des romans pétersbourgeois de Dostoïevski n’ont pas le courage qu’a eu Raskolnikov de cesser de fuir sa conscience.. La fantaisie a pour eux remplacé la vie réelle. Ils la recherchent encore une fois dans les zones les plus éloignées du centre-ville, dans les endroits les plus solitaires et les plus isolés. Ils ont trouvé refuge dans le rêve. Comme l’explique le héros des Nuits blanches à son amie Nastenka, ces êtres vivent délibérément «dans une ombre perpétuelle», dans des coins que «le soleil qui brille partout n’éclaire pas». Ils sont désormais à l’abri du réel, un réel qui leur fait violence et qu’ils n’ont pas la force d’affronter. Le temps d’un songe, ils trouvent dans cette vie fantasmée matière à satisfaire leurs infinies aspirations à l’idéal. Mais l’abri onirique peut aussitôt se transformer en lieu clos où se perpétuent les angoisses, en prison d’où l’on ne peut sortir et où le cauchemar fait sa loi. L’adolescent se perd ainsi dans des hallucinations fantastiques et pleines d’angoisse: «Le matin pétersbourgeois est prosaïque entre tous les matins qui blêmissent sur les villes: il est pour moi plein de fantasmagories où je m’hallucine. Quand cette brume dense va se dissiper, la putrescente cité de Saint-Pétersbourg ne s’évanouira-t-elle pas avec elle? Et il ne restera, sous le ciel reparu, qu’une visqueuse mare finlandaise, et, au milieu des boues, pour la beauté, un cavalier de bronze sur un cheval anhélant et recru […]. Cette cohue, cette ville, tout n’est peut-être que le rêve de quelqu’un, et le réveil du rêveur abolira les apparences…»
On retrouve certes dans ce cauchemar, mi-inconscient mi-éveillé, la malédiction qui pèserait sur Saint-Pétersbourg depuis ses premiers jours. Si la ville et les brumes sont bien de la même étoffe, celle-là n’est-elle pas vouée à disparaître une fois les brouillards dissipés? Pourtant, on atteint, avec ce rêve, un paroxysme de l’angoisse encore inégalé. Qu’y a-t-il de pire en effet que de croire que tout ce qui nous entoure n’est qu’illusion? De pire que la peur de ne vivre que dans les rêves d’autrui et d’en arriver ainsi à douter de sa propre réalité? Saint-Pétersbourg n’existerait-il donc que dans le rêve d’un inconnu?
Sans doute l’atmosphère particulière qu’on prêtait à la ville, quelque peu fantastique et éthérée, se retrouve dans certains récits de Nicolas Gogol qui passa à Saint-Pétersbourg plusieurs années dont il ne garde pas un très bon souvenir, surtout dans les Nouvelles de Pétersbourg et écrivait en 1835 dans La Perspective Nevski : « Ici tout est mensonge, tout est rêve, tout est différent de ce qu’il paraît. » Dans le premier, il décrit un univers fantastique et cocasse, satire de la société russe de son temps dont Nabokov écrira : « l’essence de l’humanité est dérivée d’une manière irrationnelle du chaos de faux-semblants qui compose le monde de Gogol »
Le Saint-Pétersbourg de Gogol est la ville de l’étrange. Venu de sa province ukrainienne tant aimée et lui-même victime de douloureuses désillusions, Gogol remarque tout ce qui, dans Saint-Pétersbourg, appartient à la sphère de l’insolite. Mais celle-ci était loin d’être issue d’un quelconque second monde, caché ou souterrain. C’est dans la réalité même qu’était tapi l’insolite qu’a su faire surgir Gogol. Il le débusque dans les couloirs des ministères, dans l’échoppe des barbiers, dans le bureau des petites annonces, dans les confiseries et même au détour d’un pont que l’on traverse, sous l’apparence d’un manteau. L’univers de Gogol est donc bien ancré dans la ville réelle, mais il est en quelque sorte en décalage ironique vis-à-vis d’elle, comme surimposé au Saint-Pétersbourg réel. On y rencontre des personnages bien étranges, victimes d’événements extraordinaires, qui ont pourtant des existences sociales on ne peut plus réglées par les lois rigides et sans clémence de la société pétersbourgeoise.

Il est un écrivain qui vécut à Saint-Pétersbourg qui me permet de faire le lien avec ma série de créations sur Nijni Novgorod où il naquit: Il s’agit de maxime Gorki qui y eut une activité intellectuelle intense.
Maxime Gorki résida à Petrograd pendant les années révolutionnaires alors que la ville est en proie à des difficultés terribles, qu’il décrit ainsi : « La révolution va s’approfondissant à la gloire de ceux qui font du corps vivant du peuple ouvrier le champ de leurs propres expériences(…) Petrograd meurt comme ville et comme centre de la vie spirituelle. Et, dans ce processus de dépérissement, on sent la terrible soumission au destin, l’attitude passive des Russes face à la vie. »
Le passé d’opposant au tsarisme de Gorki est connu. Son séjour en prison, son exil, sa souffrance loin de son pays, son combat inlassable pour la dignité de l’homme mais aussi pour la femme en qui il voit l’individu le plus rabaissé en Russie, tout cela est connu. La solution à la crise de la Russie passe pour lui autant par le développement de la culture que par l’action politique. Or il sait bien que les deux sont dans un état dramatiquement primitif. De plus, son expérience de la Russie profonde qu’il a longuement parcourue à pieds, lui a inculqué une vive méfiance des masses paysannes dont il redoute l’ignorance, l’obscurantisme, et surtout un égoïsme violent qui en font, pour très longtemps à ses yeux, un obstacle à une évolution qui ne peut se réaliser qu’autour de la classe ouvrière. Concernant l’intelligentsia issue de la petite bourgeoisie, Gorki, qui a pu suivre ses constantes compromissions avec l’autocratie, la tient en mépris. Il en dresse un portrait peu flatteur comme cela se voit dans le personnage de Klim Sanguine qu’il appelait, dans sa correspondance, «cette canaille de Sanguine».
Gorki n’était pas un tiède. Pendant la révolution d’Octobre il n’a pas caché ses désaccords, parfois très vifs, avec les bolcheviks. Pour toutes sortes de raisons, leurs agissements et surtout leurs façons d’agir lui étaient souvent insupportables. Il l’a dit, il l’a écrit. Lénine le lui reprochait, mais comprenant quelle part affective s’exprimait alors en Gorki, il ne le tenait pas pour un ennemi et le protégeait. En fait la bienveillance profonde de Gorki, son respect de l’homme lui faisaient désirer que la révolution prît d’emblée un tour sympathique et humain. C’était à l’évidence trop demander à la Russie d’alors. Quelques années plus tard, installé en Italie, Gorki , qui avait eu le temps d’éprouver l’hostilité des émigrés à l’endroit de l’URSS, se trouva rétrospectivement d’accord avec Lénine. Il reconnut en lui le véritable penseur de la révolution, celui qui avait su voir plus loin que l’immédiat et lui permettre un futur humain.
Le retour dans sa patrie à laquelle il était très attaché est le résultat d’une longue maturation. Les malveillances de ceux qui avancent qu’il serait revenu pour des questions d’argent sont pitoyables. Malgré tous les faits qu’amis ou ennemis dénonçaient, il est rentré «chez lui» pour travailler au grand chantier socialiste qui venait de s’ouvrir. Il a fait de la culture le choix prioritaire pour réussir l’humanisation de l’homme.
Sur les défauts de l’URSS il s’est clairement exprimé à une correspondante qui le mettait en garde: «Vous avez l’habitude de ne pas passer sous silence les faits qui vous révoltent. Pour moi, non seulement j’estime avoir ce droit, mais même je classe cet art parmi mes meilleures qualités.[…] Il ne s’agit pas de l’électrification, de l’industrialisation […] de tout ce que dénigre votre presse… Ce qui est important pour moi, c’est le développement rapide et général de la personnalité humaine, la naissance d’un homme nouveau cultivé. […] Vous direz que je suis un optimiste, un idéaliste, un romantique, etc. Dites-le, c’est votre affaire. La mienne est de vous expliquer pourquoi je suis “unilatéral”. Et souvenez-vous que j’ai commencé de l’être il y a trente-cinq ans déjà.»
Le combat du vieil homme s’inscrit donc, à l’échelle d’un pays et avec les risques que donne la proximité du pouvoir, dans la visée du jeune révolté, ami des vagabonds et des marginaux qu’il a été et ne renie pas. L’humanisation est bien la grande question qui aura tenu Gorki en éveil jusqu’à sa mort et qui s’exprime dans tout ce qu’il a écrit.

Nijni-Novgorod

Sa ville natale Nijni Novgorod est fondée en 1221 au confluent de la Volga avec son affluent l’Oka par le grand-duc Iouri Vsevolodovitch de la principauté de Vladimir Souzdal pour assurer la défense des frontières russes contre les Mordves, maris et tatars . L’invasion mongole (1223) épargne Nijni Novgorod car ce n’est encore qu’une agglomération de petite taille. Ce sursis permit à la ville de devenir l’un des grands centres de la vie politique russe sous le joug tatar.
La ville est remarquable (classée par l’UNESCO) particulièrement par son architecture.
La Cathédrale Sainte Sophie de Novgorod, prit modèle sur la Cathédrale Sainte Sophie de Kiev; elle est d’apparence similaire, mais un peu plus petite, plus étroite et (marque de l’expansion de l’architecture du Nord) les clochers à bulbes se substituent aux coupoles. La construction fut assurée par des ouvriers de Kiev qui par la même occasion importèrent la maçonnerie de briques. Le matériau de construction de base était les blocs erratiques, les galets et de blocs calcaires assemblés en maçonnerie sèche. L’intérieur de la cathédrale était peut-être couvert de fresques qui auront été effacées. Les portes étaient de bronze.
Elle exprime un style novateur qui exerça une profonde influence sur l’ architecture religieuse russe. Ses murailles austères, ses baies chiches et étroites, et ses coupoles chemisées de métal rappellent par bien des aspects l’architecture romane de l’Ouest de l’Europe. Les infidélités au modèle byzantin sont de plus en plus manifestes sur les cathédrales de Novgorod postérieures: Saint-Nicolas , Saint-Antoine et Saint-Georges .
La cité de Novgorod préserva son architecture au cours de l’invasion mongole. La construction des premières églises fut d’abord une commande des princes, mais par la suite au XIIIe siècle les marchands, leurs guildes et les villes se mirent à financer la construction de cathédrales. Les bourgeois de la Novgorod de cette époque étaient réputés pour leur intrépidité, leur diligence et leur prospérité, qui s’étendait de la Baltique à la mer blanche.

Les monuments historiques de Novgorod sont situés non seulement au centre de la cité, mais aussi dans les environs. À Novgorod même, il s’agit du quartier de Sainte-Sophie, avec le Kremlin et ses fortifications du Xve siècle; de l’église de Sainte-Sophie du milieu du XIe siècle; et d’autres monuments datant des XIIe et XIX esiècle; des monuments du quartier commercial, dont de nombreuses églises parmi les plus anciennes de la ville, comme celle de la Transfiguration décorée de fresques à la fin du XIVe siècle par Théophane le Grec, qui fut le maître d’André Roublov; et, enfin, quatre monuments religieux des XIIe et XIIIe siècles à l’extérieur de vieille ville, dont la fameuse église du Sauveur de Neredica. Les fresques de Nérédica sont les plus précieuses parmi les peintures murales de Novgorod du XIIesiècle.

Saint-Pétersbourg

Saint-Pétersbourg

http://www.saint-petersburg.com/

http://fr.tourismnn.ru/maintour/cultinter/nizhniy_novgorod

Conseils de lecture

Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski
crime et châtiment

Georges Nivat (Préfacier, etc.)
Doussia Ergaz (Traducteur)
Vladimir Pozner (Traducteur)
ISBN : 2070392538
Éditeur : Gallimard (1995)

Nikolai Gogol
Nouvelles de Petersbourg

Georges Nivat (Préfacier, etc.)
Gustave Aucouturier (Traducteur)
Sylvie Luneau (Traducteur)
Henri Mongault (Traducteur)
ISBN : 2070406229
Éditeur : Gallimard (1998)

Alexandre Pouchkine
Poésies

Louis Martinez (Traducteur)
ISBN : 2070327922
Éditeur : Gallimard (1994)

Roland Ezquerra

Roland Ezquerra

Artiste

Je suis né en 1958 à Tarbes, et aussi loin que je me souvienne j’ai toujours été attiré par les disciplines artistiques.

La première à m’avoir marquée fut la musique qu’écoutaient mes parents ou ma grande sœur, Edith Piaf côtoyait Elvis Presley, les Beatles suivaient Ferrat et Louis Armstrong succédait à Brel.

J’eus la chance très tôt de découvrir la littérature grâce à une librairie du quartier Sainte Anne qui faisait office de bibliothèque de prêt où les membres de ma famille s’approvisionnaient en lecture régulièrement. J’étais aussi très intéressé par le dessin que j’aimais pratiquer.
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