1958-1978 puis 2005- Deux période bien distinctes de ma vie à Tarbes où je suis né.
Que dire de Tarbes?
Tarbes est à la fois capitale de la Bigorre et des Hautes-Pyrénées. Sa richesse ne saurait être seulement due à sa position géographique; son patrimoine est aussi culturel car il est celui d’une cité ayant marqué une étape fondamentale dans la vie de grandes figures de la littérature française du XIXe siècle Jules Lafforgue et Isidore Ducasse, comte de Lautréamont, elle est aussi le berceau de Théophile Gautier dont on peut encore voir la maison natale rue Brauhauban.
Plus prosaïquement au XIX siècle elle devient une ville industrielle et ouvrière avec la création de l’atelier de construction (appelé arsenal par les Tarbais). Ainsi, Tarbes devient une ville industrielle et ouvrière mais affirme également sa vocation militaire par la construction des quartiers Larrey, Soult et Reffye. au XXe siècle pendant la Première Guerre mondiale, Tarbes intensifie sa production en artillerie du fait de son positionnement géographique en arrière-pays.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, la Résistance fait également partie du quotidien de la ville de Tarbes, à qui la croix de guerre a été attribuée.
Cette période , que je n’ai pas connue directement, a eu une influence primordiale dans ma vision du monde et mes convictions de part l’influence de l’histoire de ma famille dont les membres on étés impliqués dans la première comme dans la deuxième guerre mondiale.
On peut dire que le « roman familial » reste ce qui m’attache le plus à ma ville natale. Les guerres du XX siècle , la résistance, le monde ouvrier, la solidarité …
Pour être plus léger, de mes souvenirs de Tarbes j’ai toujours gardé en tête une des ses mythiques fondations qui me plaisait par son exotisme.
Cette légende disait que la reine d’Ethiopie, Tarbis, proposa son amour à Moïse et que celui-ci le refusa. Inconsolable, elle décida de quitter son trône et de cacher au loin sa déception. Après bien des pérégrinations, elle arriva en Bigorre et fit construire au bord de l’Adour sa demeure pour fonder la ville de Tarbes, et sa sœur, sur les bords du Gave, fit surgir Lourdes.
J’avais aussi en mémoire l’écrivain Joseph Peyre (prix Goncourt 1935) qui parlait de la « plaine de Tarbes éternellement châtiée par les orages ».
César qui relate la soumission des Tarbelli et des Bigerriones, Georges Sand «Tarbes. Un beau ciel , des eaux vives, des constructions bizarres faites d’énormes galets apportés par le gave(sic)…»
Stendhal qui fait une description très précise de Tarbes «une ville horizontale s’il en fut jamais…» dans son «voyage au midi».
Maurice Druon dans «les grandes familles» prix Goncourt 1948
dont l’action se déroule en partie à Tarbes
Jean Paulhan « Les fleurs de Tarbes »
«Au jardin public de Tarbes, où il est interdit de cueillir les fleurs des parterres, il est logique d’interdire l’entrée à toute personne ayant des fleurs à la main.”
en vrac Tristan Derème, Stéphane Mallarmé , Jules Michelet , Roger Peyrefitte.
Evidemment on ne peut oublier le dédicataires des «fleurs du mal» Théophile Gautier
Au poète impeccable
au parfait magicien ès Lettres françaises
à mon très cher et très vénéré
maître et ami
Théophile Gautier
avec les sentiments
de la plus profonde humilité
je dédie
ces fleurs maladives
Enfin celui qu’adolescents rebelles nous avions mes amis et moi dans le sillage des surréalistes que nous admirions, annexé à notre ville natale au prétexte qu’il fut élève dans le même lycée que nous. Mais aussi et surtout parce que j’imaginais l’esprit révolutionnaire des «Chants de Maldoror» commandé par un ressentiment contre l’école . Je voyais dans de nombreux passages la description en filigrane du rapport du maître et de l’élève: Isidore Ducasse le Montevidéen
Tarbes était aussi le lieu des amitiés des premières amours des grandes révoltes adolescentes, des joies, des premiers deuils Des souvenirs plus ou moins vivaces et plus ou moins embellis.
Revenons à Théophile Gautier. Il ne réside à Tarbes que les toutes premières années de sa vie, celles de sa prime enfance, dont parait il nul souvenir ne subsiste, ville natale et homme demeurent toutefois marqués par cette affiliation. La ville se souvient de l’homme et le poète éprouve la cruelle nostalgie de son lieu originel.
Théophile revint une seule fois à Tarbes pour une courte visite de 24 heures. Il put s’apercevoir combien les Tarbais de 1860 s’enorgueillissaient de leur patrimoine, parfois même aux dépends de la véracité des faits. En effet, nous savons que Gautier est âgé de trois ans lorsqu’il quitte ce lieu, et par conséquent, sa scolarité s’y borne à peu de choses. Curieusement, il semblerait, selon les dires du poète lui-même, que la ville recèle d’histoires à son sujet et multiplie aux yeux des touristes les objets lui ayant appartenu!
Le plus célèbre en serait le pupitre de Gautier qui était alors religieusement conservé par le principal du Collège. Celui ci, confronté à Gautier en visite incognito, présente noblement la fameuse table. Voici un extrait de cette savoureuse anecdote, racontée par la bouche même du poète: «Ainsi lorsque le recteur du collège, ignorant mon identité, me fit voir le pupitre, j’éprouvai à son aspect une émotion irrésistible. C’était assurément la première fois que lui et moi étions en face l’un de l’autre, mais enfin s’il n’était pas mon pupitre, il aurait pu l’être et aurait réveillé en moi une foule de souvenirs!» Ainsi, ne voulant pas briser l’enthousiasme et la fierté du principal, Gautier se prête au jeu et quitte les lieux sans dévoiler à son interlocuteur qui il est.
Si la légitimité du pupitre en question est bien sûr à remettre en cause, ce dont il est impossible de nier l’authenticité, c’est la nostalgie de Gautier à l’égard de son lieu de naissance. Marqué par l’empreinte indélébile de la vallée pyrénéenne, il affirme en 1867, cinq années avant sa mort: «Quoique […] j’ai passé toute ma vie à Paris, j’ai gardé un fond méridional.»
Il regrette sa ville natale dont il garde un intense souvenir ravivé par son passage à Tarbes.
«On doute de la mémoire des enfants. La mienne était telle et la configuration des lieux s’y était si bien gravée, qu’après plus de quarante ans j’ai pu reconnaître […] la maison où je naquis.»
Et ceci:
«Le souvenir des silhouettes des montagnes bleues qu’on découvre au bout de chaque ruelle, et des ruisseaux d’eaux courantes qui, parmi les verdures sillonnent la ville en tous sens, ne m’est jamais sorti de la tête, et m’a souvent attendri aux heures songeuses.»
Maxime du Camp fait part par ailleurs de la nostalgie de Gautier à l’égard de sa langue maternelle, le patois gascon, premier langage que les babillages de l’enfance connurent; en effet, il nous apprend qu’ayant un jour entendu des soldats converser entre eux en patois, Gautier fut saisi de si fortes réminiscences, qu’il «voulut les suivre, afin de s’en aller avec eux vers la ville où il était venu au monde et dont la pensée l’a toujours ému.»
Rares et fugaces sont donc les marques laissées par Gautier à la ville, mais tenaces sont celles gravées par le lieu en son cœur de poète.
Pour le commun des mortels, pour celui qui n’a pas la chance d’être né avec le génie du magicien es lettres françaises, la confrontation avec le réel se révèle parfois problématique.
Passé idéalisé, souvenirs des chers disparus, son propre vieillissement…
Je me rends compte que mes images de Tarbes sont souvent floues.
Nostalgie d’une époque et de souvenirs estompés qui s’efface petit à petit avec une volonté de colorer cette vision mélancolique et de lui donner de la lumière; celle des grandes fêtes foraines qui animaient la ville.
Pour illustrer musicalement cette page je vous propose d’écouter une chanson d’Adèle «hometown glory»
Je vous invite aussi à aller voir la toile de Maurice Utrillo «la préfecture des hautes Pyrénées à Tarbes» au musée du jardin Massey
Ainsi que les bustes de Théophile Gautier, l’un au jardin Massey et l’autre dans la cours d’honneur du lycée Théophile Gautier
Roland Ezquerra
Artiste
Je suis né en 1958 à Tarbes, et aussi loin que je me souvienne j’ai toujours été attiré par les disciplines artistiques.
La première à m’avoir marquée fut la musique qu’écoutaient mes parents ou ma grande sœur, Edith Piaf côtoyait Elvis Presley, les Beatles suivaient Ferrat et Louis Armstrong succédait à Brel.
J’eus la chance très tôt de découvrir la littérature grâce à une librairie du quartier Sainte Anne qui faisait office de bibliothèque de prêt où les membres de ma famille s’approvisionnaient en lecture régulièrement. J’étais aussi très intéressé par le dessin que j’aimais pratiquer.
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