Le nu , la représentation de corps nus a suivi une évolution permanente de la préhistoire à nos jours. D’abord corps réduits à des formes symboliques ne précisant que les signes de différence sexuelle. Femmes stylisées aux détail minimisés pouvant être rondes, les seins, le ventre et le sexe accentués. Puis à la période antique, l’art égyptien, représente le corps suivant un schéma de proportions précis et codifié .
Les Grecs portent une grande attention au corps, surtout masculin, perçu comme sacré. La représentation évoque la perfection corporelle. Le nu féminin apparaît vers le cinquieme siecle mais est encore rare.
Après une quasi absence Moyen Âge, à la Renaissance le nu devient un sujet à part entiere exprimant une éthique humaniste et une esthetique nouvelle. Les corps, figés au début, évoluent à l’instar de ceux de l’Antiquité. Musculature et mouvement furent améliorées par l’étude des maîtres anciens mais surtout par la recherche anatomique sur modèles vivants ou cadavres. Albrecht Dürer est le premier artiste à se représenter nu en 1503. Une des études anatomiques les plus célèbres est l’homme de Vitruve de Léonard de Vinci).
Le nu féminin, tout en exprimant un idéal de beauté, commence à traduire un érotisme, qui posera quelques problèmes d’où toutes sortes de stratagèmes pour que la nudité ne soit pas choquante et n’entraîne pas le rejet de l’œuvre. par la suiteL’art baroque et le maniérisme introduisent une exagération dans les poses, le style et les sentiments donnés aux sujets représentés. Grâce au clair-obscur introduit par le Caravage, les corps sont éclairés comme jamais auparavant. On n’hésite pas à montrer des corps meurtris, contrefaits ou torturés.
Le Rococo viendra plus tard, caractérisé par la mise en avant de scènes privées y compris les nus, principalement féminins et assez souvent érotiques.
Watteau peint une dame faisant sa toilette, François Boucher n’hésite pas à peindre nue une des courtisanes de Louis XV, ou à se servir de sa propre femme comme modèle de son Odalisque dans une pose suggestive.

Puis comme à la Renaissance des découvertes archéologiques contribuèrent à la mise au goût du jour du classicisme et, à travers lui, du néoclassicisme prônant un retour aux racines antiques. L’art grec et romain deviennent le modèle à suivre, départ d’un vaste mouvement artistique. Il donna lieu à de nombreuses déclinaisons de thèmes mythologiques classiques, mais aussi liés à la naissance du concept de nationalisme et aux idéaux révolutionnaires où les nus apparaissaient le plus souvent dans des scènes de guerre, avant d’être intégrés aux représentations de la bourgeoisie de la Restauration et de la Troisième République.
La peinture romantique, réaction du sentiment contre la raison, se caractérise par un goût très marqué pour la dramatisation et aussi par l’arrivée de l’exotisme dans les mœurs occidentales, les œuvres deviennent plus libérées et les nus expriment la sensualité et parfois même la sexualité.
Réalisme et impressionnisme, dans la seconde partie du XIXe siècle, firent scandale en utilisant le nu dans des situations réalistes.
Proches des préoccupations sociales de leur époque, les peintres réalistes privilégièrent les études de nus féminins sur le vif, dans des situations quotidiennes en prenant pour modèles des femmes de classes sociales inférieures, des prostituées ou leurs maîtresses.
Ces œuvres crues choquèrent le public et les critiques contemporains. Gustave Courbet avec son tableau L’Origine du monde, montre une représentation sans voile du sexe féminin. Le tableau, exposé au musée d’Orsay depuis le milieu des années 1990 est encore aujourd’hui considéré comme indécent…Les nus impressionnistes empruntèrent à l’école réaliste un goût pour le quotidien, en opérant toutefois un retour à certaines scènes bucoliques. Un des initiateurs du mouvement fut Édouard Manet qui provoqua un scandale au Salon des Refusés en 1863 en présentant le Déjeuner sur l’herbe, où une femme entièrement nue participe à un simple pique-nique dans la nature en compagnie d’hommes habillés. Un seul critique remarqua que le tableau était une reprise du Concert champêtre de Giorgione, que Manet avait vu en Italie. Le nu suivant, de nouveau une variation sur un classique italien (la Vénus d’Urbino du Titien), Olympia provoqua encore un tollé car il représentait une femme ordinaire, probablement une prostituée, nue mais ayant gardé son collier, un bracelet et ses mules aux pieds et accompagnée d’une domestique noire lui présentant peut-être le bouquet d’un admirateur et d’un chaton noir.
C’est au XIX siecle que la photographie apparut.
Même envisagée d’un point de vue très partial, la manifestation du nu dans la photographie témoigne de certaines questions posées au monde qui présentent une valeur d’universalité ; la culture y rencontre la « nature » (mort, temps, sacré, sexe), mettant au jour des expériences auxquelles toutes les cultures se confrontent sous des formes diverses. Peut être trouvons nous là la raison de la propension de la photographie au nu et du nu à la photographie, de leur mutuelle prédilection.

Le nu en photographie est une pratique presque aussi ancienne que la technique photographique.
Les premiers daguerréotypes de nu académique, érotique et pornographique, datent de l’invention même de la photographie D’emblée, observons que le nu et la pornographie sont deux sujets qui se départagent précisément, l’obscénité n’a qu’accessoirement besoin du nu tandis que la nudité peut n’avoir rien de licencieux

Au XIXe des artistes utilisent la photographie comme un nouveau moyen d’étudier un modèle. Par son réalisme elle ouvre un champ nouveau à la représentation et ne connaît pas véritablement de tabou car, si elle montre un corps qui a bien été là, en face de l’objectif, elle crée, comme les autres arts graphiques, une distance entre le sujet et le spectateur qui permet toutes les audaces.
A la même époque, se diffusent des photographies érotiques et à partir de leur invention en 1851, des images stéréoscopiques qui renchérissent, avec l’illusion du relief, sur le réalisme photographique. La vue stéréoscopique érotique devient une industrie. On peut s’en procurer partout en quantité et la censure freine seulement la production qui s’écoule par des circuits parallèles.
Plus marginal, le nu masculin en photographie a émergé avec les premiers photographes comme Jean-louis Marie, Louis-Marie Eugène , Albert Londe, Thomas Eakins et surtout Wilhem von Gloeden, Guglielmo Plüschow et Vincenzo Galdi. Les trois derniers photographient souvent en extérieur au bord de la mer en Sicile ou en Afrique du Nord, privilégiant des portraits d’adolescents dans des scènes de genre inspirées de l’antiquité grecque.
Dans les années 1930 à1 940, les athlètes nus de jean Ferrero, Gregor Arax, ou les nus esthétisants et sophistiqués de Man Ray ou de Raymond Voinquel montrent des sujets plus virils et musclés.
A l’époque contemporaine, la photographie de nu est souvent lié à l’érotisme. David Hamilton est notamment connu pour ses mises en scènes éthérées de corps nus féminins, couleur et noir et blanc. Le développement de l’industrie pornographique a aussi inspiré des artistes. C’est le cas de Jeff Koons qui réalisera plusieurs œuvres de sa série Made in Heaven le représentant avec sa compagne la Cicciolina dans des scènes sexuelles.
L’américain Spencer Tunick a pris quant à lui le parti de photographier des masses de corps nus, mettant en scènes de façon spectaculaire des groupes de plusieurs milliers de personnes nues, volontaires, dans des endroits publics.
Les mises en scène de Joel-peter Witkin, où interviennent des personnages bizarres, handicapés ou sur pondérés, sont une réinterprétation gothique contemporaine du nu. Un photographe comme le finlandais Arno Rafael Minkkinen photographie son corps nu qu’il met en scène dans des paysages de son pays natal, réinventant l’autoportrait.
Pour terminer je vous conseille de regarder les photos de deux artistes que j’admire: Willy Ronis et Lucien Clergue figures majeures de l’histoire de la photographie.

http://museefrancaisdelaphotographie.fr/

http://www.mep-fr.org/

Roland Ezquerra

Roland Ezquerra

Artiste

Je suis né en 1958 à Tarbes, et aussi loin que je me souvienne j’ai toujours été attiré par les disciplines artistiques.

La première à m’avoir marquée fut la musique qu’écoutaient mes parents ou ma grande sœur, Edith Piaf côtoyait Elvis Presley, les Beatles suivaient Ferrat et Louis Armstrong succédait à Brel.

J’eus la chance très tôt de découvrir la littérature grâce à une librairie du quartier Sainte Anne qui faisait office de bibliothèque de prêt où les membres de ma famille s’approvisionnaient en lecture régulièrement. J’étais aussi très intéressé par le dessin que j’aimais pratiquer.
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